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La chambre « Henry de Monfreid » pour les voyageurs et les marins

Henry de Monfreid

Henry de Monfreid (1879 – 1974) est cher au cœur de Vincent qui, comme lui (et comme le grand-père de Christine de Rivoyre, dit « Louis de la mer morte » fondateur du port d’Obock), a vécu à Djibouti et fréquenté – bien plus brièvement et confortablement qu’Henry ! – les abords de la Mer Rouge. Monfreid a en effet passé une grande partie de sa vie d’adulte à sillonner celle-ci et le détroit de Bab-el-Mandeb (« Porte des pleurs » en arabe), et plus généralement à parcourir, à pied ou à cheval, la Corne de l’Afrique (Ethiopie et la Côte française des Somalis, devenue le territoire français des Afars et des Issas durant la colonisation française, puis la République indépendante de Djibouti à partir de 1977), ainsi que les côtes d’Arabie, du Yémen et d’Egypte.

Après avoir vécu en France de petits boulots de 1900 à 1911, et beaucoup rêvé alors de prendre la mer que ses parents lui avait appris à aimer lorsque, enfant, il vivait à La Franqui (Leucate), au bord de la Méditerranée, Monfreid décroche un emploi de vendeur-acheteur itinérant grâce à un ami d’ami négociant en Éthiopie. Le voilà donc qui embarque à Marseille à bord du vapeur l’Oxus comme passager de troisième classe à destination de Djibouti, puis prend le train pour Dire Dawa, ville éthiopienne de la région du Harrar éclose sur le tracé du premier tronçon de la ligne Addis-Abeba - Djibouti du Chemin de fer franco-éthiopien dont la construction vient d’être relancée. Ville dans laquelle fleurissent aussi de maisons de commerce européennes spécialisées dans l’importation de café et de peaux. 

Deux ans plus tard, ne résistant plus à l’appel de la mer, Monfreid s'installe à Djibouti, alors possession française, où il achète un boutre, le Fath-el-Rahman, à bord duquel il amorce la vie aventureuse qui fera l'objet de son premier récit autobiographique Les Secrets de la mer Rouge et acquiert une connaissance des mouillages et des ports de la Région (dont Aden) que Monfreid a, dit-on, mis au service de la France pendant la Première Guerre mondiale.

Converti à l'islam en 1914, religion de son équipage, Monfreid se fait circoncire et prend le nom d'Abd-el-Haï (« Esclave du vivant »). Lors de l'entretien donné à Jacques Chancel au cours de l'émission Radioscopie du 24 avril 1969, Monfreid déclare s'être « fait musulman parce qu'il fallait être musulman pour aller dans certains pays où les chrétiens ou les juifs ne pouvaient aller ». Selon son petit-fils Guillaume de Monfreid, sa « conversion était une conversion de circonstanceJe ne crois pas qu'il fût plus attaché à un rite qu'à un autre, parce que de toute façon, ce n'était pas un homme pour qui le spirituel avait beaucoup d'importance. Il était trop noyé dans l'action. Et puis, ayant découvert la vraie liberté, il ne veut plus de carcan ».

Vers la fin de la guerre, il s'installe définitivement avec sa famille à Obock, port afars de la côte septentrionale du golfe de Tadjourah situé face à celui de Djibouti, loin des regards inquisiteurs des gouverneurs et autres coloniaux de Djibouti, où il construit lui-même ses navires dont le plus célèbre, l'Altaïr (goélette de 25 mètres), dont les deux petits mètres de tirant d'eau lui permettront d’aborder les rives de la mer Rouge malgré les innombrables bancs de récifs qui les parsèment. Depuis Obock, Monfreid mène une vie de commerçant - contrebandier de perles, armes et haschisch et de morphine (qu'il achète en gros en Allemagne et qu'il revend comme drogue aux riches Égyptiens), souvent en infraction aux règles douanières, ce qui lui vaut quelques brefs séjours en prison. Installé avec sa famille dans une maison près du rivage, sa femme peut l’alerter quand la vedette des garde-côtes est à l'affut en allumant des lumières sur la terrasse ! 


Au début des années vingt, il se fait construire une petite maison à Araoué, en Éthiopie, où il passe la saison chaude avec sa femme et ses trois enfants. Sur les conseils de son ami Joseph Kessel, il se met alors, en plus de son activité de correspondant de presse, à écrire ses aventures dans des nouvelles et romans où les observations maritimes et ethnologiques voisinent avec les descriptions insolentes de ses exploits de contrebande. Ses ouvrages remportent un franc succès en France dans les années 1930.

Plus tard, il se fixera en Éthiopie où il achètera une minoterie et fera construire une centrale électrique, et connaîtra avec le Négus des démêlés qu’il relatera dans son recueil de contes Le Serpent de Cheik Hussen, publié en 1937, dans lequel il raconte notamment comment il a déjoué une tentative d'assassinat à son encontre.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se met au service des Italiens qui poursuivent leur tentative de conquête de l'Éthiopie commencée en 1935. Capturé par les Britanniques à la suite à la débâcle de l'armée du Duce, il est ensuite déporté au Kenya où il continue à vivre quelque temps, de chasse et de pêche, après sa libération, épisode qu’il raconte dans Du Harrar au Kenya et lui inspirera Karembo.

De retour en France en 1947 - soit deux ans après la fin de la guerre, le temps de faire oublier ses sympathies pétainistes et mussoliniennes - il s'installe dans une grande maison à Ingrandes (Indre) où il peint, joue du piano, continue à cultiver le pavot et à fumer de l’opium, et surtout écrit dix romans autobiographiques de la série L'envers de l'aventure, qu'il publiera à partir de 1953.

Auteur de nombreux articles de journalisme, d’une importante correspondance, de 21 contes et livres d’aventure, d’une somme de récits d’aventure (L’envers de l’aventure), d’une dizaine de récits autobiographiques et d’autant de romans, Monfreid tentera deux fois mais sans succès, en 1963 et en 1966, de se faire élire à l'Académie française où il jouit des appuis de Joseph Kessel, Marcel Pagnol et Jean Cocteau (dont il était le fournisseur d’opium). Quizas possède d’ailleurs dans sa riche bibliothèque un livre dédicacé par Henry à Christine de Rivoyre.